Garantie des salaires en situation de redressement ou de liquidation judiciaire d’une entreprise : pas de contrôle a priori de l’AGS de l’insuffisance des fonds disponibles
(Cass. Chambre commerciale, financière et économique., 7 juillet 2023, n° 22-17.902)
Auteur
Lorsqu’une entreprise est placée en procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), le mandataire ou le liquidateur judiciaires établit le relevé des créances, notamment salariales (C. trav., art. L. 2353-19).
Lorsque les créances salariales ne peuvent pas être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles de l’entreprise avant l’expiration des délais prescrits par l’article L. 3253-19 du code du travail, le mandataire ou le liquidateur sollicite auprès de l’association de garantie des salaires (AGS) l’avance des fonds nécessaires (C.trav., art. L. 3253-20).
A cette étape, une question se posait, source de nombreux contentieux, et a été tranchée par la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 7 juillet 2023 : L’AGS doit-elle verser les fonds qui lui sont demandés par les mandataires ou les liquidateurs judiciaires sur la seule présentation du relevé des créances des entreprises en difficulté ou doit-elle vérifier a priori la réalité de l’insuffisance des fonds dont disposent ces entreprises pour payer elles-mêmes leurs salariés ?
Pour la Cour de cassation, qui revient à la lettre de l’article L. 3253-20 du code du travail, l’AGS ne dispose d’aucun pouvoir de contrôle a priori en matière de redressement et de liquidation judiciaires. Un tel pouvoir ne lui étant accordé par les textes que dans le cadre de la procédure de sauvegarde.
Dans cette affaire, le liquidateur judiciaire avait demandé à l’AGS de lui verser les sommes nécessaires au paiement des salaires et des heures supplémentaires dus aux salariés de l’entreprise. Avant le versement de la somme sollicitée, l’AGS avait demandé au liquidateur de démontrer que les fonds dont disposait l’entreprise n’étaient pas suffisants pour qu’elle rémunère elle-même ses salariés, avant de finalement refuser de garantir les salaires de l’entreprise.
Condamnée par la Cour d’appel à verser les sommes sollicitées, l’AGS soutenait devant la Cour de cassation qu’elle disposait d’un contrôle a priori pour respecter le principe de subsidiarité selon lequel l’AGS n’intervient qu’à la condition préalable d’insuffisance des fonds. La Cour de cassation rejette l’argumentation et le pourvoi de l’AGS au motif que l’obligation préalable pour le
mandataire ou le liquidateur judiciaires de justifier l’insuffisance des fonds disponibles et la possibilité de la
contestation immédiate par l’AGS ne sont prévues expressément qu’en cas de sauvegarde, par l’alinéa 2 de
l’article L. 3253-20 du code du travail :
Si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l’expiration des délais prévus par l’article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l’avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l’article L. 3253-14. Dans le cas d’une procédure de sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l’insuffisance des fonds disponibles est caractérisée. Ces institutions peuvent contester, dans un délai déterminé par décret en Conseil d’Etat, la réalité de cette insuffisance devant le juge-commissaire. Dans ce cas,
l’avance des fonds est soumise à l’autorisation du juge-commissaire.
La Cour de cassation en déduit qu’en dehors de la procédure de sauvegarde, aucun contrôle a priori n’est ouvert à l’AGS de sorte que sur la présentation d’un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire ou le liquidateur judiciaires, l’AGS doit verser les avances demandées.
L’absence de contrôle a priori, au-delà de conforter la position du Conseil National des Administrateurs et Mandataires Judiciaires, permet de répondre à l’objectif d’une prise en charge rapide des créances salariales.