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Requalification en temps de travail effectif des trajets du salarié itinérant entre son hôtel et le client : l’établissement des plannings par l’employeur ne suffit pas (Cass. soc. 7 juin 2023, n° 21-22.445)

20 juin 2023

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En principe, le temps de déplacement d’un salarié pour se rendre depuis son domicile sur le lieu d’exécution de son contrat de travail n’est pas du « temps de travail effectif », défini comme le « temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » – (C. trav., art. L. 3121-1). Ce n’est que dans les cas où il excède le temps de trajet normal qu’il doit donner lieu à indemnisation (C. trav., art. L. 3121-4).

Toutefois, comment appliquer ce principe au cas particulier des salariés itinérants qui, par définition, n’ont pas de temps de trajet normal entre leur domicile et les sites de leurs premier et dernier clients ?

La loi étant muette, la jurisprudence s’est emparée du sujet. Pendant longtemps, la Cour de cassation s’est attachée à appliquer cette règle également aux salariés itinérants en posant les critères pour définir leur lieu habituel de travail et ainsi pouvoir déterminer leur temps de trajet normal (Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-45.217 ; Cass. soc., 12 mars 2008, n° 06-45.412 ; Cass. soc., 30 mars 2022, n° 20-15.022)

Récemment, sous l’impulsion de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (CJUE, 3e ch., 10 sept. 2015, aff. C-266/14 ; CJUE, 9 mars 2021, aff. C-344/19), la Cour de cassation a pu admettre que les temps de trajet des salariés itinérants puissent être qualifiés comme du temps de travail effectif (Cass. soc., 23/11/2022, n° 20-21.924 : le salarié utilise son téléphone pour répondre à des appels professionnels ; Cass. soc., 01/03/2023, n° 21-12.068 : le salarié utilise un véhicule de service et transporte des pièces détachées commandées par les clients).

Malgré les prémisses d’une appréciation in concreto conforme à la lettre de l’article L. 3121-1 du code du travail, cette récente évolution de la jurisprudence a fait craindre une possible requalification systématique en temps de travail effectif des temps de trajet des salariés itinérants (aller jusqu’au premier client et retour depuis le dernier client) avec les conséquences qui en découlent (heures supplémentaires, durée maximale de travail et accident de travail notamment).

Interrogée sur la qualification du trajet effectué par un salarié en déplacement prolongé sans retour au domicile, entre son hôtel et le lieu où se déroule sa mission, la Cour de cassation vient confirmer la nécessité d’une appréciation in concreto sans pour autant amoindrir effectivement le risque de requalification.

En l’occurrence, un salarié itinérant, embauché en qualité d’enquêteur, sollicitait notamment un rappel de salaires pour les heures supplémentaires qu’il aurait effectuées dans le cadre de ses temps de trajet entre les différents hôtels dans lesquels il était hébergé et les concessions qu’il visitait, considérant qu’il s’agissant de temps de travail effectif.

Pour condamner l’employeur au paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, la Cour d’appel assimile l’hôtel à un lieu de travail et « retient que doivent être assimilés à un temps de travail effectif les trajets effectués par le salarié entre deux lieux de travail successifs différents dans le cadre de déplacements prolongés sans retour au domicile, nécessité par l’organisation du travail selon des plannings d’interventions déterminés par l’employeur qui plaçaient le salarié dans une situation où il restait à sa disposition ».

La Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel en rejetant l’assimilation de l’hôtel à un lieu de travail. Selon la Haute juridiction, les juges du fond auraient dû vérifier si le salarié était effectivement tenu de se conformer aux directives de l’employeur sans pouvoir vaquer librement à ces occupations personnelles durant ces temps de trajet – le seul établissement des plannings par l’employeur ne suffisant pas. A défaut, ces temps de trajet ne constituent pas du temps de travail effectif mais de simples « déplacements professionnels » régis par les dispositions de l’article L. 3121-4 du code du travail. 

Si la définition des plannings par l’employeur ne suffit pas à caractériser la sujétion, il pourrait être considéré que, du fait de la nature de leurs fonctions, leur employeur attend a priori des salariés itinérants qu’ils passent des appels pendant leurs trajets du matin et du soir et qu’ils soient équipés pour ce faire.

Aussi, le risque de requalification en temps de travail effectif des temps de trajet des salariés itinérants vers leur premier client et depuis leur dernier client reste important.

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