Le recours illicite au travail à temps partagé peut caractériser les délits de marchandage et de prêt de main d’œuvre illicite
Cass. soc., 27 mai 2025, n° 23-21.926
Cet arrêt a été l’occasion pour la Cour de cassation d’apporter des précisions sur l’actualité du droit social et sur les conséquences attachées au caractère illicite du recours au contrat de travail à temps partagé.
Le travail à temps partagé est une relation triangulaire de travail dans laquelle une entreprise de travail à temps partagé met à disposition d’entreprises utilisatrices qui sont dans l’impossibilité de recruter elle-même un salarié qualifié, sous forme de missions à temps plein ou à temps partiel, du personnel qualifié. Chaque mission donne lieu à la conclusion :
- d’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail à temps partagé et l’entreprise utilisatrice ;
- d’un contrat de travail, dit « contrat de travail à temps partagé », entre le salarié et son employeur, l’entreprise de travail à temps partagé
Dans cette affaire, une salariée licenciée par une entreprise de travail à temps partagé sollicitait, outre la requalification de la relation de travail en un CDI, la condamnation in solidum de l’entreprise de travail à temps partagé et de l’entreprise utilisatrice au paiement de dommages et intérêts pour prêt de main d’œuvre illicite et délit de marchandage.
La Cour de cassation, déjà amenée à statuer sur la sanction de requalification du contrat de travail à temps partagé, considère qu’est requalifié en CDI de droit commun le contrat de travail liant l’entreprise de travail à temps partagé à son salarié, dès lors qu’il n’est pas démontré que l’entreprise utilisatrice remplit les conditions de recours au dispositif de travail à temps partagé. Ces dernières consistant en une impossibilité de recruter elle-même un salarié pour pourvoir à un emploi qualifié, en raison de sa taille ou de ses moyens (Cass. soc. 15 janvier 2025 n°23-15.239).
Qu’en est-il de la relation de travail liant la salariée à l’entreprise utilisatrice et de la répression du marchandage et du prêt de main d’œuvre illicite ?
La chambre sociale juge que la requalification du contrat de travail à temps partagé en CDI de droit commun n’est pas exclusive de la caractérisation de délit de marchandage et de prêt de main-d’œuvre illicite. La haute juridiction ajoute que la volonté de l’employeur de causer un préjudice au salarié est indifférente à caractériser ces infractions.
En l’espèce, le recours à un contrat de travail à temps partagé étant illicite, l’entreprise de travail à temps partagé peut être condamnée in solidum avec l’entreprise utilisatrice pour marchandage et prêt de main-d’œuvre illicite.
En revanche, le salarié ne se peut se prévaloir à l’égard de l’entreprise utilisatrice des dispositions de l’article L 1251-40 du Code du travail relatives à la requalification du contrat de mission d’un salarié temporaire en contrat à durée indéterminée auprès de l’entreprise utilisatrice. La sanction de requalification se limite donc à la relation de travail liant le salarié à l’entreprise de travail à temps partagé.
Cette solution, aux lourdes conséquences financières, devrait accroitre davantage la vigilance des entreprises de travail à temps partagé.