Rappel à l’ordre : quand la menace de licenciement transforme le recadrage en sanction
Cass. soc., 1er octobre 2025, n° 24-14.048
Dans cette affaire, une salariée se voit notifier par son employeur un rappel à l’ordre qui lui :
- rappelle qu’elle doit respecter son planning de travail ;
- demande de renseigner le cahier de présence en début et fin de prestation ;
- enjoint d’utiliser son badge ;
- précise que le non-respect de son contrat de travail constitue une faute susceptible d’être sanctionnée disciplinairement et d’entraîner son licenciement.
La salariée saisit le conseil de prud’hommes pour obtenir notamment l’annulation de ce rappel à l’ordre (qu’elle qualifie de sanction disciplinaire) et des dommages-intérêts pour sanction injustifiée.
La cour d’appel de Montpellier la déboute. Elle n’y voit qu’une lettre de « recadrage », limitée à un rappel des obligations contractuelles, dépourvue de caractère disciplinaire.
Au visa de l’article L. 1331-1 du code du travail, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Elle rappelle que « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »
Or, la cour d’appel avait relevé que :
- l’employeur formulait des reproches précis à l’encontre de la salariée ;
- et l’invitait à respecter ses consignes sous peine de licenciement disciplinaire.
En jugeant, malgré ces constatations, qu’il ne s’agissait que d’un recadrage non disciplinaire, la cour d’appel a violé l’article L. 1331-1 susvisé.
Le courrier litigieux constituait bien une sanction disciplinaire pour la Cour de cassation.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui privilégie le contenu et les effets de la mesure sur son intitulé.
Elle présente toutefois un intérêt pratique certain en rappelant, de façon pédagogique qu’une lettre de recadrage, comportant reproches précis et menace de licenciement, a toutes les chances d’être requalifiée en sanction disciplinaire même si elle est présentée comme un simple rappel à l’ordre.
Pour l’employeur, cela signifie, entre autres, que son pouvoir disciplinaire est épuisé sur les faits visés : il ne pourra plus les sanctionner à nouveau, notamment de manière plus sévère. La lettre pourra, en outre, être contestée (annulation, dommages-intérêts…).
Il lui revient donc d’être très prudent dans la rédaction de ce type de lettre.

