Propos sexistes, racistes ou à connotation sexuelle sous couvert d’humour : caractérisation d’une faute grave
Arrêt du 5 novembre 2025, n°24-11.048
Dans cette affaire, un Directeur commercial avait été licencié pour faute grave pour avoir tenu à l’égard d’autres salariés des propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisants en raison de l’orientation sexuelle, qui portaient atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant.
Le Directeur commercial contestait son licenciement et soulevait notamment que :
- Les messages litigieux avaient été extraits de la messagerie interne et de mails ou de sms échangés avec des collègues. Il soutenait que ces messages s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes qui n’avaient pas vocation à devenir publics, et que ces messages relevaient de sa vie personnelle.
- Son comportement n’avait eu aucune incidence sur son emploi, ses relations avec les clients de la société ou ses collègues de travail. Il soulevait que les autres salariés avaient « attesté sur l’insistance de leur employeur » et avaient ensuite souhaité que leur attestation « ne soit pas utilisée » contre lui, manifestant le fait qu’il était apprécié de ses collègues malgré ses propos.
- Le véritable motif de son licenciement était économique, l’employeur faisant face à des difficultés économiques au moment du licenciement.
La Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié au visa de l’obligation de sécurité : « tout salarié doit prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles de ses collègues et autres personnes se trouvant en sa présence sur son lieu de travail, et ce, en fonction de sa formation et de ses possibilités »
Elle approuve ensuite l’arrêt d’appel d’avoir considéré « inacceptable » le fait de tenir, de manière répétée, des propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisants en raison de l’orientation sexuelle, qui portent atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant et heurtent certains salariés. Et ce, quand bien même :
- les propos se voulaient humoristiques ;
- le salarié était apprécié d’un grand nombre de ses collègues.
La Cour de cassation approuve enfin la Cour d’appel d’en avoir déduit que ce comportement, de nature à porter atteinte à la santé psychique d’autres salariés, rendait impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise.
I/ En principe, il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié pour une cause tirée de sa vie privée (Cass. soc., 20 novembre 1991, n°89-44.605).
Par exception, le licenciement peut, sur le fondement d’un motif tiré de la vie personnelle, être justifié en raison d’un :
- Trouble caractérisé au sein de l’entreprise (Cass. soc., 20 novembre 1991, n°89-44.605) ;
- Manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail (Cass. soc., 3 mai 2011, pourvoi n° 09-67.464).
A ce titre, justifie le licenciement le manquement à :
- L’obligation de loyauté (Cass. soc., 29 mai 2024, 22-16.218) ;
- L’obligation de sécurité (Cass. soc., 26 mars 2025, n° 23-17.544 : le salarié était directeur).
II/ La Cour de cassation écarte ici l’argument selon lequel le grief était tiré d’une conversation privée, retenant (i) que les propos avaient été tenus sur les temps et lieu de travail, et (ii) qu’ils constituaient un manquement à l’obligation de sécurité, puisqu’ils avaient heurté certains salariés.
Cet arrêt s’inscrit dans la continuité d’autres arrêts récents de la Cour de cassation. En mars dernier, la Cour avait déjà validé le licenciement d’un directeur qui exerçait des pressions sur une autre salariée de nature à porter atteinte à sa santé psychique (Cass. soc., 26 mars 2025 précité).
Cependant, cet arrêt se distingue de jurisprudences récentes en ce qu’il n’écarte pas les messages échangés par le salarié avec ses collègues de travail au motif du respect de la vie privée. En effet, la Cour de cassation avait récemment jugé que :
- L’employeur ne pouvait, pour procéder au licenciement de la salariée, se fonder sur le contenu de messages adressés entre collègues de travail, qui relevaient de la vie personnelle même si l’échange avait lieu sur la messagerie professionnelle (Cass. soc., 6 mars 2024, n° 22-11.016) ;
- Un licenciement fondé sur le contenu de messages échangés entre collègues sur la messagerie professionnelle est nul car il viole l’intimité de la vie privée du salarié (Cass. soc., 25 septembre 2024, n° 23-11.860).

