Aucune audition des salariés par l’expert du CSE sans l’accord exprès de l’employeur
(Cass. soc., 28 juin 2023, n°22-10.293, FS-B)
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Le CSE peut recourir à un expert-comptable ou à un expert habilité dans plusieurs cas de figure et notamment dans le cadre des consultations récurrentes (C. trav., art. L 2315-87 et s.) comme celle afférente à la politique sociale de l’entreprise (C. trav., art. L. 2315-91 à L2315-91-1).
Si l’expertise sollicitée dans ce cadre est financée exclusivement par l’employeur, ce dernier peut toujours saisir le juge judiciaire, dans un délai resserré de 10 jours, pour contester le principe de l’expertise et/ou le choix de l’expert et/ou le coût prévisionnel, la durée et l’étendue du l’expertise ainsi que son coût final (C. trav., art. L. 2315-86, R. 2315-49 et R. 2315-50).
En particulier, certains experts prévoient dans leur mission l’audition de salariés de l’entreprise, parfois sur plusieurs journées, ce qui gonfle la durée et donc le coût de l’expertise.
Jusqu’ici, ni le code du travail, ni la jurisprudence n’encadrait véritablement ce procédé.
En effet, les textes sont imprécis sur les prérogatives de l’expert en se contentant d’indiquer qu’il a libre accès à l’entreprise pour les besoins de sa mission (C. trav., art. L. 2315-82) et que l’employeur est tenu de lui fournir les informations nécessaires à l’exercice de sa mission (C. trav., art. L. 2315-83).
Dans ce cadre, peut-on considérer que l’expert-comptable désigné par le CSE peut, pour les besoins de sa mission, librement auditionner les salariés de l’entreprise ?
La Cour de cassation a jugé pour la première fois le 28 juin dernier que l’expert ne pouvait pas auditionner les salariés sans avoir obtenu préalablement l’accord exprès de l’employeur.
Dans cette affaire, la société avait assigné le CSE et l’expert devant le président du tribunal judiciaire aux fins de réduire le taux journalier et le coût prévisionnel de l’expertise ainsi que la durée de celle-ci.
Il avait été fait droit aux demandes de l’employeur et l’expert avait été débouté de sa demande tendant à ce qu’il soit fait injonction à la société de lui permettre de conduire les entretiens avec les salariés (25 entretiens d’1h30 chacun à mener sur 5 à 6 jours) et de diffuser les questions. L’expert invoquait à ce titre les articles L. 2315-82 et L. 2315-83 susmentionnés.
De son côté, la Cour de cassation déduit au contraire des dispositions des articles L. 2315-82 et L. 2315-83 du code du travail que si l’expert considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, il ne peut y procéder qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés.
Ainsi, dès lors que l’employeur s’était opposé à ces entretiens, le président du tribunal ne pouvait que rejeter la demande de l’expert-comptable tendant à faire injonction à l’employeur de lui permettre de conduire lesdits entretiens de sorte que le nombre de jours prévus pour l’expertise devait être réduit.
Nous ne pouvons que saluer la clarté de cette solution jurisprudentielle dans un arrêt publié.