Charge de la preuve des heures supplémentaires dans le cadre d’un contrat d’apprentissage (Cass. Soc., 25.01.2023, n° 21-14.866)
La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle dans une décision en date du 25 janvier 2023 que la charge de la preuve de la réalisation d’heures supplémentaire est partagée entre l’employeur et l’apprenti.
Pour rappel, aux termes de l’article L. 3171-4 du Code du travail, en cas le litige relatif au nombre d’heures de travail accomplies le juge forme sa conviction sur les éléments fournis par le salarié à l’appui de sa demande, ainsi que sur les éléments que l’employeur fourni pour justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Sur le fondement de cet article, une apprentie a saisi le Conseil de prud’hommes, la Cour d’appel de Bordeaux et enfin la Cour de cassation aux fins d’obtenir le paiement des heures supplémentaires qu’elle estimait avoir effectuées, ainsi que des congés payés afférents. À cette fin, elle a produit devant la Cour d’appel les éléments suivants :
- Le calendrier de formation indiquant la répartition de son temps entre l’école et l’entreprise ;
- Ses bulletins de salaire ne faisant pas état d’heures supplémentaires ;
- Le protocole de médiation du 22 septembre 2014 dans lequel l’apprentie dit effectuer de nombreuses heures supplémentaires, ce que l’employeur reconnaît en précisant que celles-ci sont récupérées ;
- Un courrier de la société du 13 janvier 2015 détaillant le décompte du solde de tout compte ;
- Une attestation de Mme [O] indiquant que toutes les heures supplémentaires qu’elle avait pu effectuer n’avaient été ni payées ni rattrapées, que ses horaires de travail n’ont jamais été affichées dans le laboratoire et qu’elle n’a jamais vu ou signé de fiche de pointage ;
- Un relevé informatique d’heures générant un calcul du nombre d’heures supplémentaires effectuées, établi par Mme [W] et concernant la période de juillet 2013 à janvier 2015 ;
- La photocopie de certaines pages d’agenda de l’apprentie comprenant de façon manuscrite les horaires effectués quotidiennement.
Sur le fondement de ces éléments, la Cour d’appel a relevé que ces pièces faisaient ressortir des incohérences sur les heures travaillées et que les documents ne permettaient pas de couvrir l’ensemble de la période litigieuse, concluant que les éléments produits par la salariée ne sont pas de nature à étayer ses prétentions.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’elle a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée. Elle souligne le fait que les éléments présentés par la salariée étaient suffisants pour permettre à l’employeur d’y répondre.
Cette décision s’inscrit dans une série de décisions favorables aux salariés concernant la preuve des heures supplémentaires. Les éléments que doit transmettre le salarié – lequel n’a pas à prouver sa demande mais simplement l’étayer – ne sont pas précisés par les textes (Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-45.441 – Cass. soc., 23 novembre 2017, n° 16-21.749). La seule exigence est que l’employeur puisse répondre utilement au salarié sur le fondement des éléments transmis.
Cette décision n’est pas étonnante dès lors que le contrat d’apprentissage constitue avant tout un contrat de travail avec des spécificités propres à l’alternance (article L. 6221-1 du code du travail).