L’expert désigné dans le cadre d’une expertise pour risque grave peut auditionner les salariés sans l’accord de l’employeur
(Cass. soc., 10 juillet 2024, n°22-21.082)
Auteur
Dans un arrêt du 10 juillet 2024, la Cour de cassation apporte un nouvel éclairage intéressant en matière d’expertise pour risque grave. Elle précise ainsi que l’expert désigné, s’il considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, peut y procéder à la seule condition d’obtenir l’accord des salariés concernés.
En revanche, l’expert n’a pas à obtenir l’accord de l’employeur pour auditionner les salariés.
Si l’employeur veut s’opposer à l’audition des salariés, il doit saisir le juge, à qui il appartient d’apprécier la nécessité des auditions prévues par l’expert au regard de la mission de celui-ci.
Cette solution est à mettre en perspective avec un autre arrêt récent du 28 juin 2023 (n°22-10.293) au sein duquel, à l’inverse, la Haute Juridiction avait considéré que l’expert désigné dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise ne pouvait pas auditionner les salariés sans l’accord exprès de l’employeur.
Aussi, les pouvoirs réciproques de l’expert et de l’employeur en matière d’audition des salariés dépendent de l’objet de l’expertise. L’expertise pour risque grave présente des spécificités devant conduire à auditionner les salariés, sans l’accord exprès de l’employeur.
Dans cette affaire, l’expertise grave avait été sollicitée suite à un signalement d’une situation de souffrance au travail au sein du service de ressources humaines d’un hôpital.
Le groupe hospitalier soutenait que si l’expert a libre accès aux locaux de l’entreprise et détermine librement ses méthodes de travail, en revanche, il ne dispose d’aucun droit à organiser des entretiens avec le personnel, sur le lieu de travail.
Le tribunal judiciaire n’a pas suivi l’argumentation de l’entreprise, considérant que la situation imposait que puissent être entendus avec leur accord par l’expert l’ensemble de la chaîne hiérarchique et organisationnelle, tous les intervenants en matière de santé au travail, les représentants du personnel et délégués syndicaux, de même que chacun des agents de la direction concernée.
La Cour de cassation confirme l’ordonnance du tribunal judiciaire sur ce point, considérant :
- D’une part que seul l’accord des salariés est requis pour les auditions en cas d’expertise pour risque grave, et,
- D’autre part qu’en cas de contestation par l’employeur, il appartient au juge d’apprécier la nécessité des auditions prévues par l’expert au regard de la mission de celui-ci. Elle considère que dans son appréciation souveraine, le tribunal judiciaire a justifié que la situation imposait l’audition des salariés.
En conséquence, en cas d’expertise pour risque grave, l’expert peut auditionner les salariés sans l’accord de l’employeur, qui, s’il veut s’y opposer, devra saisir le juge et démontrer que ces auditions ne sont pas nécessaires.

