Obligation de pointage d’un salarié en forfait en jours : nullité de la convention faute d’autonomie réelle (Cass. soc., 7 juin 2023, n° 22-10.196)
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Le dispositif du forfait jour, institué par un accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, de branche (C. trav., art. L. 3121-63), permet un décompte du temps de travail en fonction du nombre de jours travaillés sur l’année en contrepartie d’une rémunération forfaitaire.
L’affranchissement de tout cadre horaire (i.e. ni heures supplémentaires, ni durées maximales de travail) (C. trav., art. L. 3121-62), implique que seules certaines catégories de salariés, autonomes, sont éligibles à ce dispositif, à savoir : (C. trav., art. L. 3121-58)
- Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable ;
- Les salariés [non-cadres] dont la durée du travail ne peut être prédéterminée et qui dispose d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
C’est sur l’importance du critère de l’autonomie que la Cour de cassation a eu l’occasion de revenir dans un arrêt du 7 juin 2023 (RG n° 22-10.196), le fait que le salarié entre dans la catégorie des salariés pouvant être soumis au forfait jour, prévue par l’accord collectif, ne suffisant pas à valider la convention éponyme.
Dans cette affaire, un salarié engagé en qualité de technicien a été promu au statut d’agent de maîtrise coefficient 305 avec application d’une convention de forfait annuel en jours.
En effet, l’article 14 de l’accord national du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie autorise la conclusion d’une convention de forfait en jours avec des salariés n’ayant pas la qualité de cadre pour les types de fonctions et niveaux de classement qu’il énumère, et notamment pour les fonctions d’agent de maîtrise avec un classement égal ou supérieur à 240.
Toutefois, ce salarié était soumis une obligation de pointage lors de son entrée dans l’usine, pour chaque demi-journée de présence. Ce pointage donnait lieu à des relevés informatiques reprenant chaque jour les heures d’arrivée et de départ et le nombre d’heures travaillées. Une journée de travail, pour être validée, devait comptabiliser 6 heures de présence dans l’entreprise.
L’employeur affirmait que le pointage avait pour unique objet d’assurer le suivi régulier de l’organisation du travail de ce salarié et de sa charge de travail.
Pour les juges du fond, les modalités du pointage démontraient l’absence de réelle autonomie du salarié dans l’organisation de son emploi du temps exclusive du dispositif de forfait en jours.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel notamment en ce qu’elle a prononcé la nullité de la convention de forfait.
Attention toutefois à ne pas surinterpréter cet arrêt en affirmant que toute obligation de pointage des salariés au forfait en jours emporterait la nullité de ladite convention.
En effet, si les modalités du pointage avaient été différentes en permettant seulement la comptabilisation des journées travaillées sans aucun décompte horaire, cette obligation n’aurait a priori pas suffit à emporter la nullité de la convention de forfait en jours
En ce sens, il faut garder en tête que la convention de forfait en jours n’est pas incompatible avec l’imposition de contraintes au salarié telles que le fait d’assurer la fermeture du magasin ou d’effectuer des permanences (Cass. soc., 15 déc. 2021, n° 19-18.226) ou encore la fixation de demi-journées ou de journées de présence imposées par l’employeur en fonction des contraintes liées à l’activité (Cass. soc., 2 févr. 2022, n° 20-15.744).