Preuve en matière de discrimination salariale
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Cass. Soc., 5 février 2025, n°23-15.776
Dans un arrêt du 5 février 2025, la Cour de cassation apporte deux précisions intéressantes sur les règles de preuve en matière de discrimination salariale.
Une nouvelle illustration en matière sociale de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la nécessité et l’opportunité du recours à une mesure d’instruction.
Le salarié avait, devant le juge de la mise en état, fait sommation à l’employeur de lui communiquer les bulletins de paie et la liste des formations et diplômes des salariés auxquels il se comparait. Débouté de sa demande, il ne l’avait pas réitérée devant la Cour d’appel, et lui reprochait de n’avoir pas ordonné d’office la production de ces pièces.
La Haute Juridiction confirme qu’il ne peut être reproché au juge de ne pas avoir ordonné d’office la production forcée de pièces, alors qu’il n’a pas été saisi d’une telle demande. Elle rappelle ainsi que le juge a la simple faculté d’ordonner une mesure d’instruction.
L’appui sur la convention collective pour justifier d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Pour rappel, le mécanisme probatoire spécifique en matière de discrimination, défini par l’article L. 1134-1 du Code du travail, prévoit qu’en présence d’éléments suffisants laissant supposer l’existence d’une discrimination, il appartient à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des critères objectifs étrangers à toute discrimination.
Dans cet arrêt, la charge de la preuve reposait sur l’employeur, dans la mesure où le juge considérait que, laissait supposer l’’existence d’une discrimination, le fait que le salarié soit positionné à un échelon conventionnel inférieur à des salariés avec une ancienneté comparable et un niveau de diplôme inférieur.
Pour justifier le positionnement du salarié sur son échelon conventionnel, l’employeur s’est appuyé sur les critères de classification de la convention collective, qui dépendaient du type de poste et de compétences professionnelles. En revanche, ni l’ancienneté, ni le diplôme n’étaient des critères retenus dans la classification conventionnelle. L’employeur démontrait l’indifférence du critère de l’ancienneté, dans la mesure où des salariés avec une ancienneté supérieure à celle du salarié étaient ainsi classés sur le même échelon que lui.
La Cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, a considéré, dans son appréciation souveraine, que l’application par l’employeur des critères de classification définis par la convention collective est un élément objectif permettant de justifier l’absence de discrimination.
Cette solution est à mettre en perspective avec la directive 2023/970 du 10 mai 2023, qui rend obligatoire des structures de rémunération garantissant l’égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur, et l’utilisation de systèmes non sexistes d’évaluation et de classifications des emplois, reposant sur les « compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail ainsi que, s’il y a lieu, sur tout autre facteur pertinent pour l’emploi ou le poste concerné ». Les branches devront prendre en compte ces règles, ce qui justifiera d’autant plus la référence aux critères conventionnels comme éléments objectifs étrangers à toute discrimination.