Des actes déloyaux commis par le salarié antérieurement à la rupture du contrat de travail exonère-t-il l’employeur du paiement de la contrepartie de la clause de non-concurrence ?
« Cass. soc., 19 nov. 2025, nº 23-23.384
Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour faute grave après avoir effacé des données appartenant à l’entreprise et téléchargé des fichiers confidentiels. Son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence assortie d’une contrepartie financière due après la rupture.
À la suite du licenciement, l’employeur avait refusé de verser la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence, estimant que les manquements reprochés au salarié, constitutifs d’une violation de son obligation de loyauté, suffisaient à caractériser une inexécution de la clause.
Le salarié avait saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement et d’obtenir le paiement de l’indemnité de non-concurrence. Il soutenait notamment que les faits reprochés étaient intervenus avant la rupture du contrat de travail, qu’aucun acte de concurrence n’avait été constaté après son départ et que l’obligation de non-concurrence ne produisait d’effets qu’après la rupture du contrat, distinctement de l’obligation de loyauté applicable pendant son exécution.
Le Conseil de prud’hommes avait fait droit à sa demande. L’employeur avait alors interjeté appel de cette décision.
La Cour d’appel d’Agen a infirmé le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 13 650 euros bruts au titre de la clause de non-concurrence. En effet, les juges du fond considèrent que le manquement à l’obligation de loyauté caractérisait, à lui seul, une violation de la clause de non concurrence.
La Cour de cassation censure cette analyse en rappelant que le versement de la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence suppose que le salarié respecte l’interdiction de concurrence applicable après la rupture du contrat de travail. Cette obligation est indépendante de l’obligation de loyauté à laquelle le salarié est tenu pendant l’exécution du contrat.
La Haute juridiction souligne que des fautes commises avant la rupture, même constitutives d’une faute grave, ne peuvent être prises en compte pour démontrer une violation de la clause de non-concurrence. Elle s’inscrit ainsi dans la continuité d’une jurisprudence constante selon laquelle seuls des faits postérieurs à la rupture peuvent permettre à l’employeur de s’exonérer du paiement de la contrepartie financière.
I/ En principe, la contrepartie financière de la clause de non-concurrence est due dès lors que le salarié respecte l’interdiction de concurrence après la rupture du contrat
La Cour de cassation rappelle que l’obligation de non-concurrence ne prend effet qu’après la rupture du contrat de travail. Elle constitue une obligation autonome, distincte de l’obligation de loyauté qui pèse sur le salarié pendant l’exécution du contrat.
En conséquence, les manquements antérieurs à la rupture ne sauraient, par principe, affecter le droit du salarié à percevoir la contrepartie financière.
II/ La Cour de cassation opère une distinction claire entre les manquements commis pendant l’exécution du contrat de travail et l’inexécution d’une obligation postérieure à sa rupture
En l’espèce, aucun acte de concurrence postérieur à la rupture n’a été constaté, malgré le téléchargement de fichiers confidentiels par le salarié avant son départ. Dès lors, l’employeur ne pouvait valablement refuser le versement de l’indemnité de non-concurrence en se fondant sur des faits antérieurs, quand bien même ceux-ci caractérisaient une violation grave de l’obligation de loyauté.
Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui refuse toute confusion entre les obligations nées de l’exécution du contrat de travail et celles produisant effet après sa rupture (Cass. soc., 30 oct. 2007, nº 06-44.55). Il rappelle utilement, en visant l’article L.1121-1 du Code du travail, que la clause de non-concurrence porte atteinte à la liberté du travail et que sa contrepartie financière ne peut être supprimée que dans des conditions strictement encadrées.
Cette décision invite ainsi les employeurs à la prudence, les actes déloyaux commis par le salarié pendant l’exécution du contrat de travail ne suffisant pas, à eux seuls, à exonérer l’employeur du versement de la contrepartie financière. Seuls des faits postérieurs à la rupture, caractérisant une violation effective de la clause de non-concurrence, peuvent justifier l’exonération de l’employeur du règlement de cette contrepartie.»

