Coup de tonnerre sur les titres-restaurant
Cass. soc., 8 octobre 2025 n° 24-12.73
« L’animal roulait ses yeux, grands comme des œufs d’autruche, vides de toute expression, si ce n’est celle de la faim. »1 Telle pourrait être la synthèse de l’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 8 octobre 2025 (n° 24-12.373) s’agissant des conditions d’octroi des titres-restaurants.
Interrogée en effet sur la question de savoir si les salariés pouvaient bénéficier de l’attribution de titres-restaurant pour leurs journées de télétravail, la Haute juridiction répond sans emphase que la Cour d’appel « après avoir constaté que l’employeur accordait aux salariés un avantage tenant à l’attribution de titres-restaurant, a exactement énoncé que le placement des salariés en télétravail, lesquels bénéficient des mêmes droits que les salariés physiquement présents dans l’entreprise, ne justifiait pas que leur droit à bénéficier de cet avantage soit supprimé ».
Le raisonnement retenu paraît d’une rigueur implacable :
- d’une part, l’article L. 1222-9, III, alinéa 1 du Code du travail dispose que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise» ;
- d’autre part, aux termes de l’article R. 3261-7 du Code du travail, « la seule condition à l’obtention du titre-restaurant est que le repas du salarié soit compris dans son horaire journalier».
Dès lors et sans autres conditions, la chambre sociale juge qu’en conséquence le télétravail ne peut pas être un motif d’exclusion de cet avantage et excipe ainsi un « droit général à » titre-restaurant dès lors que l’employeur en attribue dans l’entreprise.
Toutefois, cette appréciation est contestable puisqu’il convient de rappeler que le titre-restaurant a été créé pour permettre aux salariés ne disposant pas de local de restauration de pouvoir déjeuner à l’extérieur sans avoir à supporter la totalité du surcoût généré. Il a donc été mis en place pour compenser une forme de « sujétion », ce qui explique d’ailleurs le régime social et fiscal de faveur. Or, en cas de télétravail, pas de surcoût par principe puisque le salarié a la possibilité de prendre son repas à son domicile.
Dans ces conditions, cet élargissement des conditions d’octroi des titres-restaurant va mécaniquement poser la question du maintien des exonérations fiscales et sociales, surtout dans un contexte de réduction du déficit public…
Désormais donc, télétravail ou pas, dès lors qu’il existe dans l’entreprise, le titre-restaurant « roulait ses yeux, grands comme des œufs d’autruche, vides de toute expression, si ce n’est celle de la faim ».
1Coup de tonnerre, Ray Bradbury, Collection Folio Junior (n°664), Gallimard Jeunesse

