Le délai de 10 jours de contestation de la nécessité d’une expertise décidée par le CSE ne court qu’à compter du jour où l’employeur a été mis en mesure de connaître sa nature et son objet
(Cass. soc. 18 octobre 2023 n° 22-10.761)
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Pour contester une expertise, l’employeur doit agir dans des délais restreints : le législateur a enserré la contestation devant le juge dans un délai de 10 jours (article R. 2315-49 du Code du travail). Le point de départ du délai de contestation dépend du motif de la contestation. Si l’employeur entend contester la nécessité de l’expertise, ce délai court textuellement à compter de la délibération du CSE décidant le recours à l’expertise.
En l’espèce, un CSE décidait du recours à une expertise pour deux consultations annuelle obligatoires lors de deux délibérations les 28 février et 21 mars 2019.
Le rapport de l’expert a été commenté lors d’une réunion du CSE LE 11 juillet 2019. Sa facture définitive pour un solde d’honoraires a été adressée le 25 juillet 2019 à l’employeur, un acompte ayant déjà été versé par ce dernier.
Le 2 aout 2019, soit dans les 10 jours la transmission de la facture définitive, l’employeur saisissait le tribunal judiciaire de Pau afin de contester le paiement de ces expertises. Il soutenait que les expertises n’intervenaient pas dans le cadre des consultations obligatoires, et qu’il s’agissait d’une expertise libre dans la mesure où les délibérations décidant le recours aux expertises étaient intervenues alors que les consultations y afférentes n’avaient pas débuté. Il soutenait à cet égard n’être pas tenu d’en prendre charge le coût.
Dans la décision de première instance, le tribunal judiciaire rejetait la demande de la société comme étant irrecevable, en considérant que le délai de contestation de l’employeur avait commencé à courir à partir de l’information de l’employeur par les délibérations adoptées lors des séances du CSE en date des 28 février et 21 mars 2019 et de leurs conséquences.
L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation, estimant que le délai pour contester son obligation de payer l’expertise devait commencer à courir à compter de la communication de la facture définitive, celle-ci étant l’objet de la contestation judiciaire.
A la lumière de l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation juge que le délai de dix jours de contestation de la nécessité d’une expertise ne court qu’à compter du jour où l’employeur a été mis en mesure de connaître sa nature et son objet.
La Cour rejette néanmoins l’argumentaire de l’employeur, considérant que :
- L’employeur ne critiquait ni le montant des factures ni le coût final de l’expertise, mais le principe de son paiement, ce qui revenait à contester la nature des expertises.
- l’employeur avait été mis en mesure de connaître la nature et l’objet de l’expertise dès les délibérations des 28 février et 21 mars 2019,
- la saisine du 2 août 2019 était donc postérieure au terme du délai de prescription.
En 2022, dans la même veine, la Cour de cassation avait déjà clarifié le point de départ du délai de contestation s’agissant du coût prévisionnel de l’expertise : en cas de modification du cahier des charges par l’expert, le délai pour contester le coût prévisionnel, l’étendue et la durée de l’expertise doit commencer à courir à compter de la notification du cahier des charges rectifié (Cass. Soc. 7 déc. 2022, n° 21-16.996).